Appels en souffrance

Publié le par Rémi Mounier

call-center.jpgSur la liste Ergo IHM, un intervenant a récemment publié un reportage de France Télévision sur les Call Centers. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le respect de la dimension humaine dans ce type de structure. Il me semble néanmoins que la dimension communicative dans ce travail est intéressante à analyser.

 

          A chaque fois que j’observe l’activité dans un centre d’appel, je me pose la question-réflexe : « Pourquoi demande-t-on à des êtres humains de faire ça ? » En effet, en analysant la tâche prescrite, tout est fait pour laisser le minimum de place à l’imprévu. Les opérateurs doivent répéter les phrases en suivant un script précisément défini. L’écart est sanctionné. Dès lors, pourquoi ne pas demander à une machine de dérouler le script en fonction des réponses de l’interlocuteur-client ? Les techniques de reconnaissance vocale le permettent désormais.

 

          Justement, l’écart est la gestion de l’aléa, c’est l’adaptation au contexte. L’interlocuteur-client peut très bien formuler des phrases auxquelles le script prescrit n’est pas adapté. Sanctionner l’écart, c’est nier que la communication entre deux individus s’effectue par feedbacks et régulations successives. Je fais même l’hypothèse que les comportements agressifs des clients qui reçoivent les appels peuvent s’expliquer en grande partie par l'objectivation imposée de la communication.

 

          Pourtant, la tâche est imputée à un être humain et non à une machine. En effet, de façon détournée et malhonnête, ce qui intéresse les directeurs de centres d’appels est bien la création d’une communication humaine susceptible d’accrocher le client, que seule une personne peut apporter. C’est malhonnête car ils font tout pour réduire ce caractère à néant par la prescription de la tâche et son contrôle, notamment au travers de l’évaluation quantitative omniprésente des opérateurs. En quelque sorte, il existe un gouffre entre la tâche prescrite et la tâche attendue, qui suffit à rendre le travail insupportable. Personnellement, je pense que les ergonomes sont techniquement capables de décrire ce genre d’organisation du travail, de manière à prouver qu’elles engendrent des risques psycho-sociaux importants. C’est à la justice française de protéger les travailleurs en proposant un cadre de sanctions pour ces organisations du travail.

Publié dans Socio-organisationnel

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